Tribune de la Grande Mosquée Mohammed VI de Saint-Étienne suite à l'assassinat de Mr Samuel PATY
La décapitation d’un enseignant en France.
Nous venons de vivre une injustice d’une violence inouïe. Un traumatisme collectif qui va durer, et qui dépassera peut-être des générations.
Aujourd’hui nous avons peur les uns des autres. Peur pour l’avenir de notre pays. Peur des questions qui surgissent du fond de nos consciences, et peur des réponses que nous aurons à affronter avant qu’il ne soit trop tard :
Qu’est-ce que nous avons fait ? Et surtout : Qu’est-ce que nous n’avons pas fait ?
1- Nous n’avons pas mesuré les conséquences de nos positionnements et de nos discours : revendiquer ses droits est une chose, instrumentaliser cette revendication pour les intérêts d’une communauté et entretenir – sciemment ou inconsciemment_ une pensée binaire sans égard pour la complexité d’une situation en est une autre.
2- Nous n’avons pas mesuré tout ce qu’implique la notion de responsabilité : pressés de revendiquer fièrement notre statut de citoyen ordinaire et notre droit à ne pas rendre de comptes pour des actes commis par d’autres, nous restons sur la défensive jusqu’à l’aveuglement. Être responsable, c’est comprendre que lorsque je relaye un discours, une vidéo, une information, sans vérifier ses tenants et ses aboutissants, je participe, individuellement, à nourrir un jugement collectif aux conséquences incontrôlables. Être responsable, c’est toujours mesurer les conséquences de ses actions, même les plus petites d’entre elles.
3- Nous n’avons pas donné à notre jeunesse les clés de lecture pour comprendre les relations parfois difficiles de la république et de la religion. Occupés à déplorer notre triste sort, nous avons oublié que la réconciliation était aussi une solution envisageable. Et que cette réconciliation n’était possible que si nous voulons bien sortir de nos batailles rangées et cesser de considérer tout compromis comme une compromission, tout rapprochement comme une collaboration avec "l’adversaire" et toute tentative d’apaisement comme une lâcheté.
Les causes pour expliquer les dérives de notre jeunesse sont multifactorielles, et le communautarisme religieux ne saurait être tenu pour l’unique responsable. La république a failli, et notre président l’a reconnu, publiquement. Sachons reconnaître que nous avons failli nous aussi. Et faisons-le publiquement, courageusement, sans craindre les reproches bruyants des fiertés mal placées.
La Grande Mosquée Mohammed VI de Saint-Étienne -GMSE- appelle toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté à rester unis et solidaires, plus que nous ne l’avons jamais été, pour affronter ensemble l’injustice et l’inhumanité qui veulent détruire les valeurs qui nous unissent et qui font de nous une nation une et INDIVISIBLE. Nous ne devons pas faiblir, ni laisser l’ennemi harceler nos consciences pour tenter d’anéantir nos espérances de paix.
Nous présentons nos sincères condoléances à la famille de Mr Samuel PATY et nous sommes pleinement engagés avec le corps enseignant dans les écoles de la république, disposés à travailler à leurs côtés pour lutter contre les ténèbres de l’ignorance. Nous devons continuer ensemble à bâtir des ponts qui résisteront à toutes les ruptures.